Non respect des normes: Aujourd'hui 5 millions de personnes sont susceptibles de trouver à leur robinet une eau non conforme aux normes bactériologiques." |
L'eau en danger ?, Dominique Armand, 1998, p. 25.
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Si la quantité des rejets toxiques est très importante et que les capacités naturelles d'épuration de l'écosystème aquatique ne sont plus suffisantes, il y a pollution." |
L'eau en danger ?, Dominique Armand, 1998, p. 35.
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Aujourd'hui, j'ai enfin 16 ans. Mais c'est pour moi un jour comme les autres, je déambule dans les avenues de Tokyo, toujours aussi bondées et bruyantes. Toute mon enfance cette ville ! Les lumières, les couleurs, les sons, les odeurs, les grains de sable de la plage qui chatouillaient mes pieds, les changements de temps et de saisons, les cerisiers en fleur, paysage rose et éclatant qui m'était si familier et qui me tenait à cœur. Mais à présent il ne s'agit plus du Tokyo de mon enfance mais d'une ville polluée, vouée à la société de consommation, à l'irrespect de la nature, l'ignorance ainsi que l'inconscience des gens face aux problèmes écologiques...
C'est alors que la sonnerie retentit et m'extirpe de mes pensées. D'un pas pensif, je me rends à la réunion écologiste organisée par mes soins dans une des salles de l'établissement prestigieux dans lequel j'étudie.
Après une dure et longue journée de labeur, je rentre comme à mon habitude à pied entre chien et loup. De retour à la maison, comme à mon habitude je procrastine mes travaux du lycée. Après cette marche nocturne, et épuisante, ma bouche était telle une terre aride. Assoiffé, je me verse un verre d'eau du robinet qui gouttait chaque soir et qui m'insupportait. Une gorgée, deux gorgées, trois gorgées... Puis un fracas. Des centaines de cristaux de verre couraient sur le sol. Étourdi que je suis et fatigué, je maugrée contre mes mains qui ont lâché ce verre. Balayette en main, je tremble, sueurs froides, mains moites et transpirantes, nœud dans la gorge, maux de tête intenses...En l'espace de 5 secondes je me retrouvais au sol, plus fébrile que jamais. Épuisé, je pars rejoindre Morphée.
La pire nuit de toute mon existence. Je ne sais ce qui s'est passé... Tout va mal. De plus en plus inquiet par mon état, je me précipite chez le médecin, affolé, j'enfonce la porte d'une force insoupçonnable. Je m'effondre au sol. Les patients me scrutent et me dévisagent, avec de grands yeux ébahis. Je manque de m'étouffer une dizaine de fois. Je tousse, je crache, je hurle de panique. Les gens me prennent pour un fou sorti de l'asile. J'ai beau essayer d'articuler, je suis comme invisible, personne ne réagit, ils m'observent telle une bête curieuse. L'homme vêtu d'une blouse blanche que j'attendais tant, vient enfin de sortir de son bureau clos. Cet homme avec bac +8 en doctorat va me sauver de mon désespoir. Il me fait entrer dans son cabinet blanc sentant la javel. Sensible, ébloui par la lumière tel un vampire, je le supplie d'éteindre ces horribles faisceaux lumineux. Appuyant sur l'interrupteur le médecin dubitatif et inquiet de mon état face à cette situation, me fait asseoir sur un brancard. Je sens des mains froides et sèches me palper la gorge, je tire la langue sur ce bout de bois amer, je n'entends plus de l'oreille gauche car il venait d'introduire son petit entonnoir dans mon canal auditif. Un rayon de lumière vient alors traverser ma rétine. Pris d'une douleur intense, je me lève brusquement faisant basculer le brancard sur lequel j'étais assis. Par instinct de survie je prends mes jambes à mon cou. Après avoir semé l'homme habillé de blanc, je m'arrête dans une impasse afin de reprendre mon souffle. Je rentre chez moi toujours aussi mal en point. Trois heures passent et je suis toujours affalé comme une larve sur le canapé. L'énergie et la force avaient quitté mon corps... C'est alors que mon téléphone se mit à vibrer et à sonner. Un appel de « mamounette ». Je décroche avec peine, puis j'entends :
« Kohaku Kohaku ! Fais bien attention à toi ! Tu as vu ce qui tourne aux informations ?!
- Je ne comprends pas, arrête de paniquer voyons, calme toi bon sang ! Que se passe-t-il ?
- Mais mon chéri, tu me parais étrange, tout va bien ? Tu es à fleur de peau..., questionne-t-elle, suspicieuse.
- Mais oui tout va bien je te dis ! Bon, je vais voir ce que tu me racontes. Je te rappelle plus tard", dis-je, agacé. »
J'allume alors la télévision pour découvrir ce qui se trame. Et là, c'est le choc. Je ne peux détourner mon regard de cet écran, mes yeux rivés sur la nouvelle énoncée, la bouche grande ouverte, je suis ébahi. Une caméra filme un journaliste muni d'un masque médical, une foule paniquée à l'arrière, les gens crient, se frappent, c'est la panique générale. Le journaliste ayant peine à se faire entendre, explique le développement et propagation d'un certain virus qu'ils ont déjà nommé le « Mizuvirus ».
Après une heure de recherches ils découvrent que ce virus provient d'une contamination humaine. Des frissons me parcourent la colonne. Les sueurs froides m'envahissent, mon effroi tourne à l'incontrôlable. Au bord des larmes, ne sachant quoi faire, je suis en boule dans le coin de la cuisine, adossé au frigidaire. J'entends toujours les voix de la télé. Les journalistes annoncent déjà plus de trois cents cas. Les contaminés seraient mis en quarantaine. Et les gens suspectés d'être atteints, ne doivent plus fréquenter ou entrer en contact avec autrui. Les symptômes sont multiples, sueurs froides, terribles migraines, yeux sensibles à la lumière, des vertiges, des nausées, mais ils n'ont pas encore tout découvert. De plus une voix stricte annonce que si l'on ressent une infime partie de ces critères nous sommes dans l'obligation de se dénoncer. Un poste de quarantaine placé à un endroit bien précis et isolé de la population saine, est l'endroit où tout contaminé doit se rendre.
Dois-je y aller ? Dois-je me dénoncer ? Suis-je atteint ? D'où vient-il ? Qu'est-ce donc ? Mille et une questions se posent dans ma tête, je ne sais quoi faire...
Je sors de chez moi, emmitouflé dans mon écharpe, cachant mon visage pâle avec mon bonnet, d'un pas décidé je rejoins la pharmacie du coin. Sur mon chemin je croise des dizaines de personnes présentant les symptômes visibles de ce nouveau virus. Je fonce dans la boutique à médicament espérant trouver de quoi me soigner, me prenant pour médecin.
Quand j'ouvre la porte, des boîtes jonchent le sol, des pilules dispersées, des gens se battant, une émeute prend naissance à la nouvelle du Mizuvirus. Tout le monde veut rester sain et en sécurité face à cette maladie. Les pharmaciens et vigiles ne contrôlent rien, ils sont impuissants face à ces bagarres. La ville perd toute son humanité. Il n'y a plus que des bêtes malades désirant guérir. Ne pouvant plus supporter cela, je cours vers la sortie, apeuré. D'un coup, la ville s'illumine, je crois d'abord à une explosion, cependant ce n'est en réalité que les nombreux et fameux écrans publicitaires sur lesquels figure un certain scientifique vêtu d'une blouse blanche et muni d'une paire de lunettes de protection. Celui-ci prend la parole dans toute la ville désorientée :
"Chers citoyens de Tokyo, j'appelle votre attention, veuillez impérativement m'écouter. Je signale une épidémie grave, d'après nos premières recherches, nous constatons une étrange contamination touchant à présent la moitié de la population nippone. Celle-ci a déjà fait des ravages, un quart des contaminés sont décédés. Nous avons découvert que ce virus s'est développé dans l'eau potable, infectant ainsi les Hommes qui la boivent. Cette maladie transmissible par voie buccale, contagieuse, est facilement attrapable. Dans le but de préserver les non contaminés, nous recherchons D'URGENCE une dizaine de cobayes atteints volontaires pour effectuer une multitude d'analyses et de tests afin de trouver un antidote ou remède face à cette catastrophe. Rendez-vous au poste de quarantaine. Ensemble, nous pourrions éradiquer cette infection, c'est d'une importance capitale. Cordialement."
La lueur de la ville redevint sombre et froide.
Après cette interruption, mes tracas ne cessent de s'accroître dans mon esprit. Je déambule dans les rues sans aucun but précis. Le vide me ronge. Je me remémore sans cesse de tout ce que le scientifique a déclaré. Je décide de rentrer chez moi en espérant que cette nuit de sommeil me porte conseil.
Je peine à m'endormir. J'ai l'impression d'être entouré par des ombres me hantant l'esprit de façon permanente.
Des chuchotements et voix résonnent toute en même temps dans ma tête sans arrêt. Des jours et nuits passent, enfermé chez moi, seul et isolé du monde extérieur. Je deviens fou à l'idée de ne plus rien faire, je ne peux pas continuer ainsi, je suis au bout de moi-même. Hésitant, je pèse le pour et le contre pour devenir leur cobaye.
Après des heures de réflexion acharnée et de pleurs, je reprends confiance en moi, je décide de sauver l'humanité de ce virus en me présentant comme cobaye. J'y vais sûr de moi, l'air et la lumière du jour m'avaient manqué. Arrivé au poste, je suis bien accueilli, les gens autour de moi sont vêtus d'une combinaison et d'un masque. Ils me font asseoir sur une civière à côté des autres. Sans aucune question, ils m’auscultent et me prélèvent de l'ADN et du sang, j'ai du mal à comprendre tout cela. Étant mis en quarantaine, je patiente durant des jours, je suis nourri, logé mais toujours sans aucun mot prononcé.
Une semaine plus tard, alors que j'ai perdu toute joie de vivre, après n'avoir fait que patienter, vient un médecin entrant dans la cellule.
Il annonce d'un air bref et désolé : « Mon cher Kohaku, après cette semaine d'étude et d'expériences, nous remarquons que tous les cobayes malades excepté toi sont sur le point de mourir, ne résistant plus au virus. Tu es le seul à en être capable. Sais-tu pourquoi ? Eh bien tu as un incroyable don ! Une certaine substance sécrétée par ton cerveau te maintient en vie malgré les gros symptômes que tu présentes. Par conséquent, nous sommes navrés et c'est dans ton droit de refuser, mais nous avons besoin de ton cerveau afin de sauver la population infectée. Je vous laisse le temps de réfléchir. »
Je suis subjugué, choqué et heurté par cette tragique nouvelle. Je pense devoir me sacrifier.
Et dire que c'est à cause de l'Homme, l'humain a pollué l'eau, et n'en a pas pris soin comme il n'a pas pris soin de l'environnement... Ça fait depuis bien longtemps que j'ai perdu foi en l'humanité. L'Homme m'attriste, me répugne et me fait honte. Je ne peux pas me sacrifier sans rien dire, il faut que le monde sache la vérité.
J'appelle le médecin afin de répondre à sa requête, il arrive face à moi, écoutant ce que j'ai à dire. C'est ainsi que je lui fais la proposition suivante :
« J'accepte votre demande à une condition, je souhaite faire part de la vérité au monde entier. Accordez-moi avant mon sacrifice de faire un discours en direct que j'aurai écrit au préalable. Ainsi je vous donnerai mon cerveau. »
Il m'observe d'un air suspicieux, contraint d'accepter il me laisse du temps pour écrire mon discours.
A l'aide d'une feuille et d'un stylo, j'écris le cours de mes pensées et tout ce que j'ai à dire.
Me voilà trois heures après sur écoute, micro à la main, filmé en direct, apparaissant sur tous les écrans de Tokyo. A l'heure de pointe, je prends la parole, feuille en main :
« Chers citoyens de Tokyo, qui suis-je pour vous parler, je suis un jeune étudiant banal qui prend aujourd'hui la parole sur tous les écrans de la ville. Je vais devoir offrir mon cerveau. Drôle d'offre n'est-ce pas ? Eh bien je suis confronté à mon propre suicide mais plus exactement mon sacrifice. Vous ne comprenez certainement pas grand chose de ce que je vous raconte. Les scientifiques qui travaillent avec acharnement, jour et nuit dans le but de trouver un remède face à cette terrible épidémie à laquelle vous êtes confrontés, déclarent une éventuelle solution. Une rare substance sécrétée par mon cerveau, que je suis le seul à produire, permet de me maintenir en vie. Cependant celle-ci étant très précieuse, ne sauve que moi. Des centaines de personnes décèdent de ce virus. J'aimerais sauver ces personnes, sauver l'humanité, lui laisser une seconde chance. Pourquoi une seconde chance me diriez-vous ? Le virus n'est pas apparu en vain, celui-ci s'est développé dans l'eau polluée. Polluée par les hommes, polluée de pesticides et autres créations chimiques détruisant peu à peu la mère nature qui nous fait vivre. Il est grand temps que tout cela change. De faire comprendre aux Hommes leur monstruosité, leur cupidité et cruauté. Je déclare l'Homme coupable. Coupable ! Je compte me sacrifier, mais mon unique vœu aujourd'hui et toujours, je souhaite que l'Homme ait un immense respect envers la nature, l'environnement comme il aurait toujours dû l'avoir. Redevenez humains. Retrouvez votre sensibilité d'autrefois... Je vous en conjure. Adieu misérables. »
Les écrans s'éteignent tous en même temps, laissant la population interloquée. J'avais fini mon discours, mes mains étaient moites, mon cœur battait à la chamade, j'étais transpirant mais satisfait de ma dénonciation froide et choquante. J'espère sincèrement que le monde changera après ma disparition sur cette Terre. Des mains me tirèrent et m'extirpèrent de mes pensées. Les médecins, pressés déjà en combinaison étaient prêts à m'ôter la vie d'une minute à l'autre. Allongé, attaché, immobile. J'étais fin prêt. Prêt à quitter ce monde. Scalpel, masques, voix, visages flou, lumière aveuglante, sueurs, bruits, claquements, sensations, mes derniers moments de vie.
Un mois plus tard...
« Bonjour à tous, bienvenue sur Télématin, cela fait aujourd'hui un mois que le célèbre Mizuvirus à été éradiqué de la surface. Celui-ci n'aurait jamais disparu si le jeune étudiant de 16 ans, Kohaku Miyaku ne s'était pas sacrifié pour nous. Des hommages et des cérémonies lui sont consacrés dans les parcs et cascades naturels. J'ai l'honneur de vous annoncer que le vingt-cinquième parc et centre naturel va ouvrir ses portes aujourd'hui même. N'oubliez pas de réduire vos gaspillages, surveiller la qualité de l'eau, lutter contre la pollution, éduquer vos enfants. Ainsi respectez vos tâches quotidiennes éco-responsables sous peine de sanction. Bonne journée à tous. »
C'est alors que la sonnerie retentit et m'extirpe de mes pensées. D'un pas pensif, je me rends à la réunion écologiste organisée par mes soins dans une des salles de l'établissement prestigieux dans lequel j'étudie.
Après une dure et longue journée de labeur, je rentre comme à mon habitude à pied entre chien et loup. De retour à la maison, comme à mon habitude je procrastine mes travaux du lycée. Après cette marche nocturne, et épuisante, ma bouche était telle une terre aride. Assoiffé, je me verse un verre d'eau du robinet qui gouttait chaque soir et qui m'insupportait. Une gorgée, deux gorgées, trois gorgées... Puis un fracas. Des centaines de cristaux de verre couraient sur le sol. Étourdi que je suis et fatigué, je maugrée contre mes mains qui ont lâché ce verre. Balayette en main, je tremble, sueurs froides, mains moites et transpirantes, nœud dans la gorge, maux de tête intenses...En l'espace de 5 secondes je me retrouvais au sol, plus fébrile que jamais. Épuisé, je pars rejoindre Morphée.
La pire nuit de toute mon existence. Je ne sais ce qui s'est passé... Tout va mal. De plus en plus inquiet par mon état, je me précipite chez le médecin, affolé, j'enfonce la porte d'une force insoupçonnable. Je m'effondre au sol. Les patients me scrutent et me dévisagent, avec de grands yeux ébahis. Je manque de m'étouffer une dizaine de fois. Je tousse, je crache, je hurle de panique. Les gens me prennent pour un fou sorti de l'asile. J'ai beau essayer d'articuler, je suis comme invisible, personne ne réagit, ils m'observent telle une bête curieuse. L'homme vêtu d'une blouse blanche que j'attendais tant, vient enfin de sortir de son bureau clos. Cet homme avec bac +8 en doctorat va me sauver de mon désespoir. Il me fait entrer dans son cabinet blanc sentant la javel. Sensible, ébloui par la lumière tel un vampire, je le supplie d'éteindre ces horribles faisceaux lumineux. Appuyant sur l'interrupteur le médecin dubitatif et inquiet de mon état face à cette situation, me fait asseoir sur un brancard. Je sens des mains froides et sèches me palper la gorge, je tire la langue sur ce bout de bois amer, je n'entends plus de l'oreille gauche car il venait d'introduire son petit entonnoir dans mon canal auditif. Un rayon de lumière vient alors traverser ma rétine. Pris d'une douleur intense, je me lève brusquement faisant basculer le brancard sur lequel j'étais assis. Par instinct de survie je prends mes jambes à mon cou. Après avoir semé l'homme habillé de blanc, je m'arrête dans une impasse afin de reprendre mon souffle. Je rentre chez moi toujours aussi mal en point. Trois heures passent et je suis toujours affalé comme une larve sur le canapé. L'énergie et la force avaient quitté mon corps... C'est alors que mon téléphone se mit à vibrer et à sonner. Un appel de « mamounette ». Je décroche avec peine, puis j'entends :
« Kohaku Kohaku ! Fais bien attention à toi ! Tu as vu ce qui tourne aux informations ?!
- Je ne comprends pas, arrête de paniquer voyons, calme toi bon sang ! Que se passe-t-il ?
- Mais mon chéri, tu me parais étrange, tout va bien ? Tu es à fleur de peau..., questionne-t-elle, suspicieuse.
- Mais oui tout va bien je te dis ! Bon, je vais voir ce que tu me racontes. Je te rappelle plus tard", dis-je, agacé. »
J'allume alors la télévision pour découvrir ce qui se trame. Et là, c'est le choc. Je ne peux détourner mon regard de cet écran, mes yeux rivés sur la nouvelle énoncée, la bouche grande ouverte, je suis ébahi. Une caméra filme un journaliste muni d'un masque médical, une foule paniquée à l'arrière, les gens crient, se frappent, c'est la panique générale. Le journaliste ayant peine à se faire entendre, explique le développement et propagation d'un certain virus qu'ils ont déjà nommé le « Mizuvirus ».
Après une heure de recherches ils découvrent que ce virus provient d'une contamination humaine. Des frissons me parcourent la colonne. Les sueurs froides m'envahissent, mon effroi tourne à l'incontrôlable. Au bord des larmes, ne sachant quoi faire, je suis en boule dans le coin de la cuisine, adossé au frigidaire. J'entends toujours les voix de la télé. Les journalistes annoncent déjà plus de trois cents cas. Les contaminés seraient mis en quarantaine. Et les gens suspectés d'être atteints, ne doivent plus fréquenter ou entrer en contact avec autrui. Les symptômes sont multiples, sueurs froides, terribles migraines, yeux sensibles à la lumière, des vertiges, des nausées, mais ils n'ont pas encore tout découvert. De plus une voix stricte annonce que si l'on ressent une infime partie de ces critères nous sommes dans l'obligation de se dénoncer. Un poste de quarantaine placé à un endroit bien précis et isolé de la population saine, est l'endroit où tout contaminé doit se rendre.
Dois-je y aller ? Dois-je me dénoncer ? Suis-je atteint ? D'où vient-il ? Qu'est-ce donc ? Mille et une questions se posent dans ma tête, je ne sais quoi faire...
Je sors de chez moi, emmitouflé dans mon écharpe, cachant mon visage pâle avec mon bonnet, d'un pas décidé je rejoins la pharmacie du coin. Sur mon chemin je croise des dizaines de personnes présentant les symptômes visibles de ce nouveau virus. Je fonce dans la boutique à médicament espérant trouver de quoi me soigner, me prenant pour médecin.
Quand j'ouvre la porte, des boîtes jonchent le sol, des pilules dispersées, des gens se battant, une émeute prend naissance à la nouvelle du Mizuvirus. Tout le monde veut rester sain et en sécurité face à cette maladie. Les pharmaciens et vigiles ne contrôlent rien, ils sont impuissants face à ces bagarres. La ville perd toute son humanité. Il n'y a plus que des bêtes malades désirant guérir. Ne pouvant plus supporter cela, je cours vers la sortie, apeuré. D'un coup, la ville s'illumine, je crois d'abord à une explosion, cependant ce n'est en réalité que les nombreux et fameux écrans publicitaires sur lesquels figure un certain scientifique vêtu d'une blouse blanche et muni d'une paire de lunettes de protection. Celui-ci prend la parole dans toute la ville désorientée :
"Chers citoyens de Tokyo, j'appelle votre attention, veuillez impérativement m'écouter. Je signale une épidémie grave, d'après nos premières recherches, nous constatons une étrange contamination touchant à présent la moitié de la population nippone. Celle-ci a déjà fait des ravages, un quart des contaminés sont décédés. Nous avons découvert que ce virus s'est développé dans l'eau potable, infectant ainsi les Hommes qui la boivent. Cette maladie transmissible par voie buccale, contagieuse, est facilement attrapable. Dans le but de préserver les non contaminés, nous recherchons D'URGENCE une dizaine de cobayes atteints volontaires pour effectuer une multitude d'analyses et de tests afin de trouver un antidote ou remède face à cette catastrophe. Rendez-vous au poste de quarantaine. Ensemble, nous pourrions éradiquer cette infection, c'est d'une importance capitale. Cordialement."
La lueur de la ville redevint sombre et froide.
Après cette interruption, mes tracas ne cessent de s'accroître dans mon esprit. Je déambule dans les rues sans aucun but précis. Le vide me ronge. Je me remémore sans cesse de tout ce que le scientifique a déclaré. Je décide de rentrer chez moi en espérant que cette nuit de sommeil me porte conseil.
Je peine à m'endormir. J'ai l'impression d'être entouré par des ombres me hantant l'esprit de façon permanente.
Des chuchotements et voix résonnent toute en même temps dans ma tête sans arrêt. Des jours et nuits passent, enfermé chez moi, seul et isolé du monde extérieur. Je deviens fou à l'idée de ne plus rien faire, je ne peux pas continuer ainsi, je suis au bout de moi-même. Hésitant, je pèse le pour et le contre pour devenir leur cobaye.
Après des heures de réflexion acharnée et de pleurs, je reprends confiance en moi, je décide de sauver l'humanité de ce virus en me présentant comme cobaye. J'y vais sûr de moi, l'air et la lumière du jour m'avaient manqué. Arrivé au poste, je suis bien accueilli, les gens autour de moi sont vêtus d'une combinaison et d'un masque. Ils me font asseoir sur une civière à côté des autres. Sans aucune question, ils m’auscultent et me prélèvent de l'ADN et du sang, j'ai du mal à comprendre tout cela. Étant mis en quarantaine, je patiente durant des jours, je suis nourri, logé mais toujours sans aucun mot prononcé.
Une semaine plus tard, alors que j'ai perdu toute joie de vivre, après n'avoir fait que patienter, vient un médecin entrant dans la cellule.
Il annonce d'un air bref et désolé : « Mon cher Kohaku, après cette semaine d'étude et d'expériences, nous remarquons que tous les cobayes malades excepté toi sont sur le point de mourir, ne résistant plus au virus. Tu es le seul à en être capable. Sais-tu pourquoi ? Eh bien tu as un incroyable don ! Une certaine substance sécrétée par ton cerveau te maintient en vie malgré les gros symptômes que tu présentes. Par conséquent, nous sommes navrés et c'est dans ton droit de refuser, mais nous avons besoin de ton cerveau afin de sauver la population infectée. Je vous laisse le temps de réfléchir. »
Je suis subjugué, choqué et heurté par cette tragique nouvelle. Je pense devoir me sacrifier.
Et dire que c'est à cause de l'Homme, l'humain a pollué l'eau, et n'en a pas pris soin comme il n'a pas pris soin de l'environnement... Ça fait depuis bien longtemps que j'ai perdu foi en l'humanité. L'Homme m'attriste, me répugne et me fait honte. Je ne peux pas me sacrifier sans rien dire, il faut que le monde sache la vérité.
J'appelle le médecin afin de répondre à sa requête, il arrive face à moi, écoutant ce que j'ai à dire. C'est ainsi que je lui fais la proposition suivante :
« J'accepte votre demande à une condition, je souhaite faire part de la vérité au monde entier. Accordez-moi avant mon sacrifice de faire un discours en direct que j'aurai écrit au préalable. Ainsi je vous donnerai mon cerveau. »
Il m'observe d'un air suspicieux, contraint d'accepter il me laisse du temps pour écrire mon discours.
A l'aide d'une feuille et d'un stylo, j'écris le cours de mes pensées et tout ce que j'ai à dire.
Me voilà trois heures après sur écoute, micro à la main, filmé en direct, apparaissant sur tous les écrans de Tokyo. A l'heure de pointe, je prends la parole, feuille en main :
« Chers citoyens de Tokyo, qui suis-je pour vous parler, je suis un jeune étudiant banal qui prend aujourd'hui la parole sur tous les écrans de la ville. Je vais devoir offrir mon cerveau. Drôle d'offre n'est-ce pas ? Eh bien je suis confronté à mon propre suicide mais plus exactement mon sacrifice. Vous ne comprenez certainement pas grand chose de ce que je vous raconte. Les scientifiques qui travaillent avec acharnement, jour et nuit dans le but de trouver un remède face à cette terrible épidémie à laquelle vous êtes confrontés, déclarent une éventuelle solution. Une rare substance sécrétée par mon cerveau, que je suis le seul à produire, permet de me maintenir en vie. Cependant celle-ci étant très précieuse, ne sauve que moi. Des centaines de personnes décèdent de ce virus. J'aimerais sauver ces personnes, sauver l'humanité, lui laisser une seconde chance. Pourquoi une seconde chance me diriez-vous ? Le virus n'est pas apparu en vain, celui-ci s'est développé dans l'eau polluée. Polluée par les hommes, polluée de pesticides et autres créations chimiques détruisant peu à peu la mère nature qui nous fait vivre. Il est grand temps que tout cela change. De faire comprendre aux Hommes leur monstruosité, leur cupidité et cruauté. Je déclare l'Homme coupable. Coupable ! Je compte me sacrifier, mais mon unique vœu aujourd'hui et toujours, je souhaite que l'Homme ait un immense respect envers la nature, l'environnement comme il aurait toujours dû l'avoir. Redevenez humains. Retrouvez votre sensibilité d'autrefois... Je vous en conjure. Adieu misérables. »
Les écrans s'éteignent tous en même temps, laissant la population interloquée. J'avais fini mon discours, mes mains étaient moites, mon cœur battait à la chamade, j'étais transpirant mais satisfait de ma dénonciation froide et choquante. J'espère sincèrement que le monde changera après ma disparition sur cette Terre. Des mains me tirèrent et m'extirpèrent de mes pensées. Les médecins, pressés déjà en combinaison étaient prêts à m'ôter la vie d'une minute à l'autre. Allongé, attaché, immobile. J'étais fin prêt. Prêt à quitter ce monde. Scalpel, masques, voix, visages flou, lumière aveuglante, sueurs, bruits, claquements, sensations, mes derniers moments de vie.
Un mois plus tard...
« Bonjour à tous, bienvenue sur Télématin, cela fait aujourd'hui un mois que le célèbre Mizuvirus à été éradiqué de la surface. Celui-ci n'aurait jamais disparu si le jeune étudiant de 16 ans, Kohaku Miyaku ne s'était pas sacrifié pour nous. Des hommages et des cérémonies lui sont consacrés dans les parcs et cascades naturels. J'ai l'honneur de vous annoncer que le vingt-cinquième parc et centre naturel va ouvrir ses portes aujourd'hui même. N'oubliez pas de réduire vos gaspillages, surveiller la qualité de l'eau, lutter contre la pollution, éduquer vos enfants. Ainsi respectez vos tâches quotidiennes éco-responsables sous peine de sanction. Bonne journée à tous. »
Ormie